Le 5ème jour de l’œuvre de Dieu

Les poissons et les oiseaux

Le 5ème jour, coupole de la Genèse. Basilique de Saint-Marc, Venise (XIII siècle). Nous sommes des poissons qui vont être pêchés, arrachés aux eaux agitées où règne la loi du plus fort, pour être conduits vers les eaux tranquilles de la source d’amour divin. Animés par cet Esprit d’amour, comme les oiseaux qui s’élèvent vers le ciel, nous rechercherons les réalités célestes et le Royaume de Dieu.

Le cinquième jour de l’oeuvre de Dieu, la cinquième étape de notre chemin spirituel voit les poissons de la mer et les oiseaux du ciel porter du fruit et se multiplier. Or, ce sont deux animaux très importants dans la Bible, pour nous parler de notre chemin spirituel, de notre attitude envers Dieu et envers notre prochain. L’animal en hébreu est appelé « âme vivante » (נֶפֶשׁ חַיָּה nefesh ḥayah), or l’âme est le principe vital qui commande au corps, qui meut le corps. Ce qui est déterminant est l’esprit, c’est-à-dire avec quel esprit nous accomplissons tel ou tel acte. Un esprit de jalousie, de rivalité, d’hostilité, ou bien un comportement dicté par l’amour, l’amitié, la bienveillance? Les animaux dans la Bible, comme dans toutes les cultures ancestrales sont toujours le sujet de contes. En effet, afin de n’offenser et de ne juger personne, on a recours à l’exemple des animaux, de leurs conduites caractéristiques et figées pour faire allusion à nos comportements humains. Ainsi, nous pourrons librement critiquer certains agissements, sans porter de jugement sur celui qui les accomplit, ce qui répond au vieil adage chrétien qui nous autorise à juger l’acte, mais non celui qui l’accomplit. Cette attitude de citer l’exemple des animaux est d’ailleurs très répandue dans beaucoup de cultures dans le monde. Or, les animaux, bien entendu, n’ont aucune culpabilité lorsqu’ils profitent de leur force pour manger plus petit qu’eux, c’est dans leur nature et leur besoin de survie, mais pour les êtres humains, cela est différent, l’esprit dans lequel on accomplit nos actions est très important. Cet esprit nous permet d’orienter nos instincts et de les diriger vers le bien d’autrui. L’esprit peut être bien ou mal inspiré. Ainsi, le poisson qui vit dans l’eau, peut facilement être l’image de celui qui a trouvé son salut dans l’eau du baptême, de celui que les filets ont arraché à la mer turbulente et salée et qui a été conduit vers les eaux tranquilles du baptême, par la foi. Ainsi, Jésus, s’adressant aux apôtres, leur dit: « Je ferai de vous des pêcheurs d’hommes » et aussi « le Royaume de Dieu est semblable à un filet que l’on jette dans la mer pour en tirer toute sorte de poisson ». Le Christ lui même a été figuré par un poisson, par les premiers chrétiens. En effet, le mot Ichtus, qui en grec signifie poisson, résume toute la foi chrétienne en Jésus Christ, qui non seulement s’est offert en nourriture et a multiplié les poissons à plusieurs reprises au cours de sa vie, mais aussi parce que les initiales de ce mot recèlent le résumé de la foi chrétienne: I pour Iesus, Ch pour Christos, T pour Théos, Dieu, ‘U pour ‘Uyos, fils, S pour Sōtēr, Sauveur, c’est-à-dire Jésus Christ Fils de Dieu Sauveur.
Ainsi, ces poissons sont l’image de ceux qui ont trouvé la relation à la vie, à la source de la vie divine, à l’Esprit de Dieu, l’eau qui descend du ciel au deuxième jour de l’oeuvre de Dieu, et se
sont orientés vers l’amour de Dieu et du prochain, s’arrachant ainsi à la violence de la mer, à ses flots, à ses lois où le poisson plus grand mange le plus petit. Lorsque Dieu donne vie à ce monde, il voit en vertu de quoi ce qui est dans les ténèbres peut trouver la lumière et se déploie afin de lui montrer le chemin. Jésus sera lui-même poisson au milieu de ce monde, offrira sa vie, comme un poisson grillé qui devient nourriture et il sera aussi pêcheur car il jettera le filet de sa parole et de ses actes, afin d’attirer les hommes vers le Royaume de Dieu.
Une fois franchie cette étape, voyons ce que nous disent les oiseaux. Les oiseaux aussi, figurant nos attitudes humaines, peuvent diriger leur attention vers le ciel ou vers la terre, vers les biens terrestres et passagers ou vers les biens spirituels et éternels, célestes. Ils peuvent être des rapaces qui profitent de la faiblesse des autres, des vautours qui se nourrissent de la disgrace des autres, ou bien ils peuvent être beaux, candides et images d’amour, fidélité, tendresse, comme la colombe ou la poule. Dès le début de la Bible, l’oiseau est image de l’Esprit Saint, de l’amour de Dieu. Son attachement à ses petits, qu’il couve, qu’il protège au risque de sa vie pour assurer l’ouverture des oeufs, ou bien en les prenant sous ses ailes, est l’image même de l’attachement de Dieu à ses créatures. (Voir l’article Genèse 1, 2 Rouah – L’Esprit de Dieu est féminin). L’oiseau qui personnifie l’Esprit divin dans la Bible, en particulier dans son aspect de colombe, est en effet celui qui peut s’élever vers les réalités célestes, vers le royaume de Dieu, une fois qu’il a trouvé la source de la vie, dans la relation d’amour de Dieu et du prochain. Dans le dialogue d’amour entre deux fiancés qui se trouve au coeur de la Bible, dans le livre du Cantique des Cantiques, le fiancé loue la beauté de la fiancée en comparant ses yeux à ceux d’une colombe. Or, les yeux de la colombe sont beaux parce que la colombe figure celui qui a trouvé la source de la vie, parce qu’il a su voir au-delà des apparences et reconnaître en son prochain la beauté des enfants de Dieu et ainsi, il a pu s’abreuver à la source en le servant. C’est lorsque nous accueillons notre prochain et nous nous mettons à son service que la source jaillit en nous, source de joie et de paix profonde.  Or, pour les chrétiens, la colombe qui planait au-dessus de Jésus lors de son baptême par Jean le Baptiste, est non seulement une image de l’Esprit Saint, mais aussi de l’Esprit Saint qui plane sur les eaux de la création en y infusant son esprit, sa vie, son amour (Genèse 1, 2). (Voir l’article Genesi 1, 2 Ruah – Lo Spirito di Dio è femminile). C’est l’Esprit qui fait de notre eau humaine et terrestre, une source jaillissant en vie éternelle, comme dit Jésus. C’est cela qu’est célébré lors du baptême, l’esprit humain en retrouvant son lien filial et confiant avec la source d’en-haut, avec l’origine de la vie est en communion avec l’Esprit de Dieu et trouve en lui la plénitude de l’amour. L’image de la colombe se répandra partout dans l’iconographie chrétienne, spécialement dans les sarcophages, dans les pierre tombales, mais aussi bien sûr dans les mosaïques. Souvent, nous verrons l’image de deux colombes autour du Christ, du calice de son sang, de sa vie ou des initiales de son nom, une à droite et une à gauche. Cela est le signe que l’amour de Dieu conduit à l’unité, vers une même source, ceux qui étaient séparés, divisés et qui sont maintenant réconciliés par le sang du Christ, par le pardon offert à l’humanité. Pardon auquel nous sommes tous invités afin de nous réconcilier les uns avec les autres. (voir article sur les Animaux affrontés dans le site art-sacre.net avec plusieurs images présentées dans les « Développements » des « Documents associés » en-bas de la page).

Colombes. Mausolée de Galla Placidia, Ravenne, Italie (V siècle). Sur beaucoup de pierres tombales chrétienne figurent des colombes, image du baptisé, de celui qui a trouvé la source d’eau vive dans le sang et l’eau qui ont coulé du côté du Christ. Souvent deux colombes s’abreuvant à la même coupe sont un signe de paix, de réconciliation entre les peuples qui étaient auparavant divisé et maintenant réconciliés par le pardon du Christ.

Les étapes de la vie de Jésus et la Semaine Sainte

Le Jeudi Saint

Jésus lave les pieds de ses disciples. Mosaïque du Dôme de Monreale, Italie (XII siècle). Nous voyons l’attitude perplexe des disciples qui s’interrogent sur le sens et l’opportunité de ce geste. Par là Jésus veut nous montrer qu’il est nécessaire de reconnaître nos manques d’amour quotidiens, pour être unis comme les membres d’un même corps. Accepter le besoin d’être purifiés, est la prémisse de notre réconciliation.

Le temps du Carême a longuement préparé les chrétiens à méditer sur les événements de ce qu’on appelle le Triduum Pascal, c’est-à-dire les trois jours au cours desquels ont eu lieu la passion, la mort et la résurrection du Christ. Le premier de ces jours est le cinquième jour de la Semaine Sainte, c’est-à-dire de la semaine au cours de laquelle Jésus a choisi librement d’entrer à Jérusalem où il a été arrêté, a souffert la passion et est ressuscité. Le cinquième jour de la Semaine Sainte est donc le Jeudi Saint, le jour où l’on fait mémoire du dernier repas de Jésus avec les apôtres, de son agonie au jardin des Oliviers, de son arrestation et de sa condamnation dans les tribunaux religieux et civils. 
Or, le propos de Jésus, avant de quitter les apôtres est de les réconcilier les uns avec les autres et avec Dieu. Voici, une étape qui nous conduit vers le Royaume des cieux. Jésus avait tout prédisposé avec soin afin que ce soir-là, le premier jour où l’on fêtait la Pâque juive, lui et les apôtres puissent s’assoir à la même table, dans un lieu à l’écart, où tout était préparé pour les accueillir. Il allait, en effet, résumer en ce soir, tout ce qu’il avait voulu accomplir par sa venue en ce monde. Réconcilier les hommes avec lui, avec Dieu et les réconcilier les uns avec les autres, les ramener à l’unité. Les évangiles nous rapportent ainsi sur plusieurs pages les discours et les prières de Jésus au cours de cette soirée, mais aussi en premier lieu, le geste qui allait conduire les apôtres et les fidèles qui les suivront par la suite, à la réconciliation. 

En effet, avant de commencer le repas, Jésus prend un linge dont il se ceint la taille, une bassine d’eau et invite les apôtres à se laisser laver les pieds par lui:
« Jésus, sachant que le Père a tout remis entre ses mains, qu’il est sorti de Dieu et qu’il s’en va vers Dieu, se lève de table, dépose son vêtement, et prend un linge qu’il se noue à la ceinture ; puis il verse de l’eau dans un bassin. Alors il se mit à laver les pieds des disciples et à les essuyer avec le linge qu’il avait à la ceinture. Il arrive donc à Simon-Pierre, qui lui dit : « C’est toi, Seigneur, qui me laves les pieds ? » Jésus lui répondit : « Ce que je veux faire, tu ne le sais pas maintenant ; plus tard tu comprendras. » Pierre lui dit : « Tu ne me laveras pas les pieds ; non, jamais ! » Jésus lui répondit : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. » Simon-Pierre lui dit : « Alors, Seigneur, pas seulement les pieds, mais aussi les mains et la tête ! » Jésus lui dit : « Quand on vient de prendre un bain, on n’a pas besoin de se laver, sinon les pieds : on est pur tout entier. Vous-mêmes, vous êtes purs, mais non pas tous. » Il savait bien qui allait le livrer ; et c’est pourquoi il disait : « Vous n’êtes pas tous purs. » Quand il leur eut lavé les pieds, il reprit son vêtement, se remit à table et leur dit : « Comprenez-vous ce que je viens de faire pour vous ? Vous m’appelez “Maître” et “Seigneur”, et vous avez raison, car vraiment je le suis. Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. Amen, amen, je vous le dis : un serviteur n’est pas plus grand que son maître, ni un envoyé plus grand que celui qui l’envoie. Sachant cela, heureux êtes-vous, si vous le faites. Ce n’est pas de vous tous que je parle. Moi, je sais quels sont ceux que j’ai choisis, mais il faut que s’accomplisse l’Écriture : Celui qui mange le pain avec moi m’a frappé du talon. Je vous dis ces choses dès maintenant, avant qu’elles n’arrivent ; ainsi, lorsqu’elles arriveront, vous croirez que moi, JE SUIS. Amen, amen, je vous le dis : si quelqu’un reçoit celui que j’envoie, il me reçoit moi-même ; et celui qui me reçoit, reçoit Celui qui m’a envoyé. » Après avoir ainsi parlé, Jésus fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » (Jean 13, 3-21).
Comme bien d’autres gestes de Jésus, celui-ci représente ce que Jésus allait accomplir pour l’humanité, comment il conduirait l’humanité vers la clarté de Dieu, vers ce Royaume où tous ensemble ne font qu’un.
Déjà au début de sa prédication Jésus disait: « Lorsque tu vas présenter ton offrande à l’autel, si, là, tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse ton offrande, là, devant l’autel, va d’abord te réconcilier avec ton frère, et ensuite viens présenter ton offrande. » (Matthieu 5, 23-24). Il s’agit donc ici de réconciliation, cette réalité spirituelle est figurée par la lavement des pieds. Jésus lui-même sait que les apôtres ne vont pas tout de suite comprendre ce geste, mais après qu’ils auront été les témoins de sa mort et de sa résurrection, il seront à même, avec l’aide du Saint Esprit et avec la suite d’explication que Jésus leur fournira une fois ressuscité, de comprendre la réalité figurée par ce geste.

En effet, non seulement les apôtres se disputaient souvent entre eux et il y avait des dissensions, mais l’un d’eux allait trahir l’amitié et la confiance. La finalité de Jésus est qu’entre les convives, assis à la même table, la paix et l’amour soient au comble, à leur perfection. Il leur dira, en effet, quelques minutes après: 
« Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. » (Jean 17, 21-23).

Mais, pour réaliser cette unité, cet amour parfait, il est nécessaire de faire taire les accusations que nous pouvons tous lever les uns contre les autres, lorsque nous voulons établir à qui était la faute, qui est à l’origine de la dispute et pourquoi, tous vont s’accuser mutuellement. Il n’y a donc pas d’autre solution que de reconnaître tous ensemble les uns devant les autres et ceux qui le peuvent aussi devant Dieu, que nous avons tous une part de responsabilité dans la division qui règne en ce monde. Chacun de nous, consciemment ou inconsciemment est chaque jour en dette par rapport à l’amour qu’il pourrait déployer pour son prochain, pour vivre pleinement cette unité. Ainsi, Jésus va prendre de l’eau, qui deviendra par la suite le signe de la purification, du pardon de péchés et va enlever de leurs pieds la poussière quotidienne, celle qui chaque jour est piétinée. C’est-à-dire que dans la réalité terrestre où nous sommes, nous piétinons chacun son prochain au cours de la journée. Nous pouvons tous reconnaître les uns devant les autres que peut-être nous les avons offensés, méprisés, piétinés. Et si nous sommes prêts à assumer notre part de responsabilité, si nous sommes prêts à écouter notre prochain qui aurait quelque chose contre nous, comme Jésus nous invite à le faire, alors et seulement alors, une réconciliation sera possible. Voilà pourquoi Jésus dit à Pierre : « Si je ne te lave pas, tu n’auras pas de part avec moi. ». Avoir part avec Jésus signifier communier avec lui, être parfaitement remplis de son amour, être un, avec Dieu et son prochain. C’est cela que le repas signifie lorsque nous sommes tous assis à la même table et nous mangeons tous le même pain et buvons à la même coupe, celle-ci devient une coupe d’alliance. Cela est le cas aussi dans beaucoup de traditions ancestrales, en dehors de la tradition chrétienne, on célèbre une alliance, un mariage, par un repas et l’on boit à une coupe d’alliance qui scelle un pacte. Donc, le premier geste à accomplir pour être en communion les uns avec les autres est de se laisser pardonner, d’admettre que nous avons besoin d’être purifiés lavés. Or, la purification que Dieu nous offre, ne consiste pas seulement à effacer nos fautes et nous laisser à zero. Il s’agit de nous admettre à une communion profonde avec lui, une communion d’amour, dans laquelle c’est son Esprit qui habite en nous, c’est-à-dire qu’il révèle par là tout son amour, la plénitude de son amour. Non seulement il ne retient pas nos fautes contre nous, mais il nous invite, comme ses propres enfants, à avoir part avec lui. Il partage tout avec nous, il nous offre la vie, sa propre vie et une fois rétablis dans cette relation filiale, confiante, nous retrouvons toute la dignité d’enfants de Dieu, d’enfants de lumière. Le résultat est que l’amour dont Dieu nous comble fait de nous une multitude de frères, prêts à se pardonner les uns les autres, prêts à reconnaître chacun ses torts. Jésus ne dit-il pas au cours de ce repas: « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. »

La relation avec Dieu et avec notre prochain

Réconciliés par le Christ

La croix victorieuse. Sarcophage (IV siècle). Le Christogramme (les initiales du nom du Christ) est entouré d’un couronne, signe de la victoire du martyr sur la mort. Les colombes, figurant les baptisés et les peuples réconciliés par le pardon du Christ, se nourrissent à l’arbre de vie.

Dans cette ancienne stèle, nous voyons, représenté par les premiers chrétiens, le résumé de l’oeuvre que le Christ accomplit pour nous. Nous voyons en bas de la croix deux soldats, l’un est comme endormi, ne regarde pas vers le haut, il est dans les ténèbres. L’autre regarde vers le haut, prêt à accueillir la lumière d’espoir que le Christ porte au monde. Au-dessus, deux colombes, images de l’humanité réconciliée. Comme nous dit saint Paul, le Christ est venu abolir le mur qui nous divisait, des deux il a fait un:
« Mais maintenant, dans le Christ Jésus, vous qui autrefois étiez loin, vous êtes devenus proches par le sang du Christ. C’est lui, le Christ, qui est notre paix : des deux, il a fait un ; en sa chair, il a détruit la barrière du mur d’inimitié qui les divisait. » (Ephésiens 2, 13-14)
Il y a un passage entre l’étage du bas de cette image et celui qui est au-dessus des bras de la croix. Ceux qui ont accueilli Jésus, ont été réconciliés, pardonnés. En révélant la mesure infinie de son amour pour toute humanité sur la croix, Jésus il a permis à une lueur d’espoir de pénétrer nos ténèbres, de nous réveiller de notre sommeil. Il a réveillé les morts, c’est-à-dire ceux qui étaient morts à la vie divine, à la source de joie qui jaillit en nous dans l’amour de notre prochain, dans le don de notre vie.
Ainsi, les deux colombes regardent vers le Christ, représenté par une couronne de gloire car il est ainsi victorieux du mal et de la mort par la surabondance de son amour, de son pardon.
Au milieu de la couronne, les initiales du nom du Christ, la lettre Chi (Χ) du nom de Christos, elle ressemble à un X de l’alphabet latin et la lettre Rho (Ρ) c’est-à-dire R de l’alphabet latin, qui ressemble plutôt à un P. Rappelions-nous que Christos signifie celui qui a reçu l’onction, celui qui comme les olives, au jardin des Oliviers a souffert la passion, celui dont l’esprit a été brisé et broyé comme les olives, pour ensuite porter une lumière d’espoir, pour ensuite devenir lui-même une lampe à huile. 

Cette passion, cette souffrance ne venait pas seulement des souffrances physiques qu’il a pâti sur la croix, mais aussi de la douleur de se voir trahi, abandonné par les siens, haï par les foules, son message et témoignage d’amour méprisé. Voyons comment l’évangéliste saint Jean nous parle du bouleversement que vécut Jésus dans son esprit, au moment d’annoncer qu’il allait être trahi :
« Jésus fut bouleversé en son esprit, et il rendit ce témoignage : « Amen, amen, je vous le dis : l’un de vous me livrera. » Les disciples se regardaient les uns les autres avec embarras, ne sachant pas de qui Jésus parlait. Il y avait à table, appuyé contre Jésus, l’un de ses disciples, celui que Jésus aimait. Simon-Pierre lui fait signe de demander à Jésus de qui il veut parler. Le disciple se penche donc sur la poitrine de Jésus et lui dit : « Seigneur, qui est-ce ? » Jésus lui répond : « C’est celui à qui je donnerai la bouchée que je vais tremper dans le plat. » Il trempe la bouchée, et la donne à Judas, fils de Simon l’Iscariote. Et, quand Judas eut pris la bouchée, Satan entra en lui. Jésus lui dit alors : « Ce que tu fais, fais-le vite. » Mais aucun des convives ne comprit pourquoi il lui avait dit cela. Comme Judas tenait la bourse commune, certains pensèrent que Jésus voulait lui dire d’acheter ce qu’il fallait pour la fête, ou de donner quelque chose aux pauvres. Judas prit donc la bouchée, et sortit aussitôt. Or il faisait nuit. Quand il fut sorti, Jésus déclara : « Maintenant le Fils de l’homme est glorifié, et Dieu est glorifié en lui. Si Dieu est glorifié en lui, Dieu aussi le glorifiera ; et il le glorifiera bientôt. » (Jean 13, 21-32).
Nous voyons comment cela a été dur pour Jésus d’accepter cette réalité, d’accepter d’être bientôt trahi, livré au mépris des êtres humains, et pourtant en même temps, il affirme qu’en acceptant cela et, seulement ainsi, il pourra révéler au mode la gloire de Dieu, l’immensité de son amour, qui vient au secours de l’humanité qui est dans les ténèbres, qui est prêt à sacrifier sa vie, pour la sauver.

Encore une fois, le langage de la Parole de Dieu est important, il nous parle par des images de la nature visible qui pourtant expriment et représentent notre réalité invisible, spirituelle. Ainsi, l’évangile souligne que Judas sortit dans la nuit, fut enveloppé par les ténèbres, écoutant la voix du tentateur, Satan, qui le poussait au désespoir, au manque de confiance en l’oeuvre de Jésus. Ainsi, il nous est aussi montré l’importance de sonder, les pensées qui nous viennent à l’esprit, de bien les évaluer avant de leur donner notre consentement et les traduire en actes. Judas a cédé à son désir d’assurer sa survie matérielle sur la terre, au prix de sacrifier l’amour de son prochain, de ses proches, pour s’enrichir, il a trahi ses amis et Jésus. Il a poursuivi un profit matériel qui, l’a privé de la source de joie et de bonheur de l’amour des autres et de Dieu. C’est au secours de cette humanité aveuglée, emprisonnée dans une logique marchande, que Jésus est venu, pour nous arracher aux ténèbres, nous donner accès à la gratuité de l’amour filial, à la confiance en l’amour inconditionnel du Père pour ses enfants.

Cela est ainsi résumé par les paroles de saint Paul:
« Et vous, vous étiez des morts, par suite des fautes et des péchés qui marquaient autrefois votre conduite, soumise aux forces mauvaises de ce monde, au prince du mal qui s’interpose entre le ciel et nous, et dont le souffle est maintenant à l’œuvre en ceux qui désobéissent à Dieu. Et nous aussi, nous étions tous de ceux-là, quand nous vivions suivant les convoitises de notre chair, cédant aux caprices de la chair et des pensées, nous qui étions, de par nous-mêmes, voués à la colère comme tous les autres. Mais Dieu est riche en miséricorde ; à cause du grand amour dont il nous a aimés, nous qui étions des morts par suite de nos fautes, il nous a donné la vie avec le Christ : c’est bien par grâce que vous êtes sauvés. Avec lui, il nous a ressuscités et il nous a fait siéger aux cieux, dans le Christ Jésus. » (Ephésiens 2, 1-6)

D’après les mots de saint Paul, nous pouvons désormais siéger aux cieux dans le Christ Jésus, c’est-à-dire unis à sa personne comme les membres de son propre corps, pouvant nous aussi nous tourner vers Dieu et l’appeler Père car il nous a conduits vers la confiance filiale, il nous a donné accès à la relation qui éternellement l’unit au Père. Voyons les paroles mêmes de Jésus qui nous parle de cette relation filiale où tout ce qui est au Père est offert au Fils, car c’est cela l’amour du Père : vouloir transmettre au Fils tout ce qui fait sa joie. Voyons quelques petits extraits du long discours que Jésus adresse aux apôtres au cours du dernier repas, pour leur montrer d’où il vient et quel est le dessin de Dieu le Père pour conduire ses enfants vers la plénitude de sa joie:

« En ce jour-là, vous reconnaîtrez que je suis en mon Père, que vous êtes en moi, et moi en vous. Celui qui reçoit mes commandements et les garde, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi, je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » (Jean 14, 20-21)

Et après suivent encore de longues explications sur la relation entre Dieu, le Fils et ceux que le Fils conduit vers lui afin qu’ils puissent entrer dans la même relation confiante et filiale que Jésus a avec Dieu dans l’éternité divine. L’évangile nous rapporte encore les dernières paroles de Jésus, au moment de sortir pour affronter sa passion:
« Ainsi parla Jésus. Puis il leva les yeux au ciel et dit : « Père, l’heure est venue. Glorifie ton Fils afin que le Fils te glorifie. Ainsi, comme tu lui as donné pouvoir sur tout être de chair, il donnera la vie éternelle à tous ceux que tu lui as donnés. Or, la vie éternelle, c’est qu’ils te connaissent, toi le seul vrai Dieu, et celui que tu as envoyé, Jésus Christ. Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. J’ai manifesté ton nom aux hommes que tu as pris dans le monde pour me les donner. Ils étaient à toi, tu me les as donnés, et ils ont gardé ta parole. Maintenant, ils ont reconnu que tout ce que tu m’as donné vient de toi, car je leur ai donné les paroles que tu m’avais données : ils les ont reçues, ils ont vraiment reconnu que je suis sorti de toi, et ils ont cru que tu m’as envoyé. Moi, je prie pour eux ; ce n’est pas pour le monde que je prie, mais pour ceux que tu m’as donnés, car ils sont à toi. Tout ce qui est à moi est à toi, et ce qui est à toi est à moi ; et je suis glorifié en eux. Désormais, je ne suis plus dans le monde ; eux, ils sont dans le monde, et moi, je viens vers toi. Père saint, garde-les unis dans ton nom, le nom que tu m’as donné, pour qu’ils soient un, comme nous-mêmes. » (Jean 17, 1-11)

Ces derniers mots de Jésus nous rappellent ceux que le père de l’enfant prodigue adresse à son fils aîné: « Toi, tu es toujours avec moi et tu ne sais pas que tout ce qui est à moi est à toi? » (Voir la parabole du fils prodigue dans l’article Luc 15, 11-32 Le fils prodigue) . 
Et puis Jésus conclut par une prière, afin qu’ils puissent tous être réunis dans l’amour du Père, afin que les êtres humains aussi puissent entrer, comme lui, dans la relation filiale avec Dieu qui leur donne sa vie:
« Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en moi. Que tous soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. Qu’ils soient un en nous, eux aussi, pour que le monde croie que tu m’as envoyé. Et moi, je leur ai donné la gloire que tu m’as donnée, pour qu’ils soient un comme nous sommes UN : moi en eux, et toi en moi. Qu’ils deviennent ainsi parfaitement un, afin que le monde sache que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde. Père juste, le monde ne t’a pas connu, mais moi je t’ai connu, et ceux-ci ont reconnu que tu m’as envoyé. Je leur ai fait connaître ton nom, et je le ferai connaître, pour que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux, et que moi aussi, je sois en eux. » (Jean 17, 20-26)

Et saint Paul résume ce plan de Dieu: afin que nous puissions aussi goûter à la joie d’aimer comme Dieu aime:
« C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. » (Ephésiens 2, 10 )

Phrase du Notre Père

Donne-nous aujourd’hui notre pain qui vient d’en-haut

Le Christ multiplie les pains et les poissons. Mosaïque de Saint-Apollinaire-le-neuf, Ravenne (VI siècle). Après ce miracle, Jésus explique longuement que c’est lui le vrai pain descendu du ciel, il est la Parole de Dieu faite chair et nous pouvons nous en nourrir, non seulement en l’écoutant, mais aussi en voyant son attitude envers ses créatures et en recevant le pain qu’il a chargé les apôtres de distribuer au monde, rassemblant des hommes et des femmes de toute origine à la même table.

Tout au long de sa vie publique, Jésus a préparé ses disciples au repas qu’il allait prendre avec eux le soir du Jeudi Saint. En effet, au cours de ce repas, ils devaient recevoir un pain et un vin qui allaient sceller l’alliance de Dieu avec l’humanité. Par cette communion au pain et au vin, Jésus annonce sa volonté d’offrir sa vie, preuve de l’attachement de Dieu à ses enfants, signe du pardon offert par le Père à l’humanité qui s’est détournée de lui.

Cette alliance célébrait déjà en avance et pour toujours celle qui allait être scellée par le sang, le jour d’après, lorsque Jésus aurait offert sa vie sur la croix. Mais, Jésus a voulu rendre présent à toute l’humanité après lui, ce geste divin dans lequel chaque être humain peut accueillir l’amour de Dieu, peut retrouver la confiance en sa bienveillance et retrouver la relation filiale. Ainsi, le pain et le vin deviennent l’image visible de cette réalité éternelle dans laquelle Dieu offre la vie au monde et invite ses créatures à accueillir son amour, à entrer dans une relation confiante et filiale avec lui. Le pain rompu rend visible et présente l’offrande de la vie de Dieu aux êtres humains, le vin rend visible et présent le sang qui à coulé du corps du Christ sur la croix. C’est pour cela que Jésus dira, en rompant le pain: « Ceci est mon corps, offert en sacrifice pour vous » et, en donnant la coupe aux apôtres: « Ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle, versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés. » Le pain c’est le corps de Jésus lui-même, ce qu’il a accompli manifeste l’amour éternel de Dieu pour l’humanité, toujours offert. Il est donc toujours possible à chaque moment d’accueillir l’amour du Père, d’entrer en relation filiale avec lui. Manger de ce pain et boire à cette coupe, signifie accueillir le don de la vie divine. C’est pour offrir à chacun et à chacune cette possibilité que Jésus a confié aux apôtres et à leurs successeurs la tâche de perpétuer ce geste, de continuer à inviter les êtres humains de toute époque à accueillir l’amour de Dieu. La compréhension de la signification de ce repas a été préparée, annoncée et longuement expliquée par Jésus au long de sa vie publique. En effet, un de ses plus grands miracles est celui de la multiplication des pains devant une énorme foule affamée que personne ne serait arrivé à rassasier. C’est l’humanité affamée et assoiffée de sens, c’est l’humanité qui, devant Jésus, ne se soucie plus du reste et est prête à rester avec lui pendant des jours sans manger. Les paroles de Jésus nourrissent cette foule qui cherche un sens à sa vie, qui recherche l’amour de Dieu, qui a besoin d’un signe visible, d’une preuve de cet amour pour être réconfortée, rassurée. Ainsi, après avoir chargé les apôtres de distribuer à des milliers de personnes cinq pains et deux poissons, cette nourriture s’est tellement multipliée qu’il en reste encore douze corbeilles pleines. Jésus commence ainsi à expliquer longuement quel type de nourriture il est venu apporter à l’humanité. Il explique qu’il est lui même le pain descendu du ciel, qu’il est une vraie nourriture car l’être humain ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole sortie de la bouche de Dieu. C’est lui même la parole de Dieu qui s ‘est faite chair, qui est descendue jusqu’à nous. C’est toujours de ce pain descendu du ciel qu’il parle, lorsqu’il enseigne aux apôtres comment prier. En effet, au cœur du Notre Père, il y a cette demande concernant le pain, mais Jésus leur a déjà appris à chercher les réalités d’en-haut, les réalités célestes, spirituelles. Ainsi, le texte de l’évangile, en grec, nous rapporte un mot plus unique que rare, qui est souvent traduit par quotidien ou « de ce jour » mais dont la signification est bien plus complexe. Il s’agit du mot epioúsious qui est formé de « epi » qui signifie au-dessus et de « -ousious » qui vient du verbe être et qui peut être traduit par « ce dont l’être ». Dans l’ensemble ce mot indique le fait que l’être de ce pain est au-dessus de nous. Il s’agit de ce pain qui est descendu du ciel, ce pain de la parole de Dieu qui s’est fait chair, qui est descendu jusqu’à nous. Or, pourquoi, Jésus lie sa présence en ce monde à l’élément du pain? Non seulement parce que cela est une nourriture indispensable et quotidienne, mais aussi parce qu’il est formé à partir d’une multitude de graines, rassemblées en une seule pâte. Ainsi, tout comme la nourriture assimilée vient faire partie du corps de celui qui la mange, en nous nourrissant du corps du Christ, nous devenons aussi membres de son corps en assimilant sa vie. Son esprit d’amour nous conduit à l’unité comme les membres d’un même corps. La même chose se vérifie si nous buvons son sang, sa vie, la vie de Dieu qui est relation d’amour, qui est unité parfaite, tout comme les graines de raisin qui ne forment plus qu’un seul vin. Dans la prière qu’il nous a transmis, Jésus nous enseigne donc à chercher la source de notre vie dans l’amour qui nous unit à Dieu et à notre prochain et à nous en nourrir.

En recevant, donc, le pain que Jésus a rompu pour nous, la vie qu’il nous a offerte et que les apôtres nous ont transmis, nous pouvons être unis à lui, remplis de son amour qui nous rassemble les uns les autres comme membres d’un même corps, animés pas son amour. Unis à Dieu comme une goute d’eau versée dans le vin, ne formant plus qu’un avec lui.